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1676 capable de vous décider que de vous arrêter[1], et que si vous ne le pouviez pas, vous prendriez les résolutions qui vous conviendroient, plutôt que d’apporter ici du chagrin et des reproches. Voilà, ma très-chère, ce qui me fit écrire cinq ou six lignes qui m’arrachaient le cœur ; mais s’il est vrai, comme je le crois, que vos affaires n’en souffriront pas, et que vous ayez envie de me donner la joie de vous voir, croyez une bonne fois, sans balancer, que c’est la chose du monde que je souhaite le plus ; et après avoir donné à M. de Grignan cette marque d’amitié, que j’approuve dans une occasion aussi considérable que celle-ci, résolvez-vous à venir sans l’attendre : il peut arriver cent choses qui l’arrêteront. Son congé ne seroit pas une chose honnête à demander si, par exemple, le Roi partoit dès le mois de mars[2] ; peut-être aussi qu’on fera une suspension d’armes, comme le pape le demande ; mais enfin, dans toutes ces incertitudes, prenez une résolution, et venez, de bon cœur et de bonne grâce, me combler de la plus sensible joie que je puisse avoir en ce monde. Je suis persuadée que M. de Grignan y consentira de bon cœur : il m’en écrit trop sincèrement pour en pouvoir douter[3]). Une plus longue incertitude ne seroit pas bonne pour cette santé que vous aimez tant, et je suis trop émue de tout ce qui vient de vous pour souffrir tranquillement les divers états où j’ai passé depuis quelque temps. Je vous avoue donc que je me rends[4] à toute l’espérance que j’avois, et je suis per-

  1. Lettre 598. — 1. « Cela étoit capable de vous faire partir plutôt que de vous arrêter. » (Édition de 1754.)
  2. 2.Le Roi partit en effet le 1er mars pour le siège de Valenciennes.
  3. 3. « Pour que j’en puisse douter. » (Édition de 1754.)
  4. 4. «  … pour cette santé que vous aimez tant ; en sorte que je me rends, etc, » (Ibidem.)