Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 5.djvu/133

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

1676 un état violent. La voix qui vous crie en passant la Durance : « Ah, ma mère ! ah, ma mère ! » se feroit entendre dès Grignan ; ou celle qui conseille de la quitter ne vous troubleroit point à Briare : ainsi je conclus qu’il n’y a rien de si opposé à la liberté, que l’indifférence et l’indétermination. Mais le sage la Garde, qui a repris toute sa sagesse, a-t-il perdu aussi son libre arbitre ? Ne sait-il plus conseiller ? Ne sait-il point décider ? Pour moi, vous avez vu que je décide comme un concile ; mais la Garde, qui revient à Paris, ne sauroit-il placer son voyage utilement pour nous ?

Si vous venez, ce n’est pas mal dit de descendre à Sully[1] : la petite duchesse vous enverra sûrement jusqu’à Nemours, où certainement vous trouverez des amis, et le lendemain encore des amis ; ainsi en relais d’amis vous vous trouverez dans votre chambre. On vous auroit un peu mieux reçue la dernière fois ; mais votre lettre arriva si tard, que vous surprîtes tout le monde, et vous pensâtes même ne me pas trouver, qui eût été une belle chose ; nous ne tomberions pas dans le même inconvénient. Il faut que je me loue du chevalier[2] : il arriva vendredi au soir à Paris ; il vint samedi dîner ici : cela n’est-il pas joli ? Je l’embrassai de fort bon cœur ; nous dîmes ce que nous pensions touchant vos incertitudes.

Je m’en vais faire un tour à Paris. Je veux voir M. de Louvois sur votre frère, qui est toujours ici sans congé : cela m’inquiète. Je veux voir aussi M. Colbert pour votre pension : je n’ai que ces deux petites visites à faire. Je crois que j’irai jusqu’à Versailles : je vous en rendrai compte. Il fait cependant ici le plus beau temps du

  1. 2. Voyez tome III, p. 46, note 13.
  2. 3. De Grignan.