Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 4.djvu/92

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 86 —


———
1675

435. —— DE MADAME DE SÉVIGNÉ
À MADAME DE GRIGNAN.
À Paris, lundi 26e août.

Je revins samedi matin de Livry ; j’allai l’après-dînée chez Mme de Lavardin, qui vous a écrit un billet en vous envoyant une relation. Cette marquise vous aime beaucoup, et vous lui répondrez sans doute, comme vous savez si bien faire ; elle s’en va de son côté, et d’Harouys et moi du nôtre : les vacances de la chicane font partir bien des gens. La cour est partie ce matin pour Fontainebleau : ce mot-là me fait encore trembler[1] ; mais enfin on y va se divertir : Dieu veuille que l’on ne nous assomme point pendant ce temps-là ! Le siége de Trèves se pousse vivement : s’il y a quelque balle qui ait reçu la commission de tuer le maréchal de Créquy, elle n’aura pas de peine à le trouver, car on dit qu’il s’expose comme un désespéré.

Monsieur le Prince est à l’armée d’Allemagne[2] ; il a dit à un homme qu’il a vu en passant ici près : « Je voudrois bien avoir causé seulement deux heures avec l’ombre de M. de Turenne, pour prendre la suite de ses desseins, et entrer dans les vues et les connoissances qu’il avoit de ce pays et des manières de peindre du Montecuculi. » Et quand cet homme-là lui dit : « Monseigneur, vous vous portez bien, Dieu vous conserve, pour l’amour de vous et de la France ! » il ne répondit qu’en haussant les épaules.

  1. LETTRE 435 (revue en très-grande partie sur une ancienne copie). — Mme de Sévigné s’y était séparée de sa fille le 24 mai 1675.
  2. Revenue en Alsace. Condé avait reçu le Ier août l’ordre de remettre à Luxembourg le commandement de l’armée de Flandre (qu’il exerçait depuis le départ du Roi le 17 j juillet), et d’aller prendre celui de l’armée de Turenne.