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1676l’air. La maréchale d’Estrées veut que j’aille à Vichy : c’est un pays délicieux. Je vous ai mandé sur cela tout ce que j’ai pensé : ou venir ici avec moi, ou rien ; car quinze jours ne feroient que troubler mes eaux, par la vue de la séparation ; ce seroit une peine et une dépense ridicule. Vous savez comme mon cœur est pour vous, et si j’aime à vous voir ; c’est à vous à prendre vos mesures. On touchera votre pension après le départ des guerriers[1]. Je voudrois que vous eussiez déjà conclu le marché de votre terre, puisque cela vous est bon. M. de Pompone me dit qu’il venoit d’en faire un marquisat ; je l’ai prié de vous faire ducs ; il m’assura de sa diligence à dresser les lettres, et même de la joie qu’il en auroit : voilà déjà une assez grande avance.

Je suis ravie de la santé des pichons : le petit petit, c’est-à-dire le gros gros, est un homme admirable ; je l’aime trop d’avoir voulu vivre contre vent et marée. Je ne puis oublier la petite[2] ; je crois que vous réglerez de la mettre à Sainte-Marie, selon les résolutions que vous prendrez pour cet été : c’est cela qui décide. Vous me paroissez bien pleinement satisfaite des dévotions de la semaine sainte et du jubilé : vous avez été en retraite dans votre château. Pour moi, ma chère, je n’ai rien senti que par mes pensées, car nul objet n’a frappé mes sens, et j’ai mangé de la viande jusqu’au vendredi saint : j’avois seulement la consolation d’être fort loin de toute occasion de pécher. J’ai dit à la Mousse votre souvenir ; il vous conseille de faire vos choux gras vous-même de cet homme à qui vous trouvez de l’esprit. Adieu, ma chère enfant.

  1. Perrin a supprimé cette phrase dans sa seconde édition.
  2. Marie-Blanche, qui avait alors près de cinq ans et demi. Voyez les lettres des 6 et 17 mai suivants, p. 432 et 451.