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1676
ne sauriez comprendre : je suis ravie de celle qu’il me semble que vous avez pour moi.

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515. — DE MADAME DE GRIGNAN AU COMTE
DE BUSSY RABUTIN[1].
À Grignan, ce 15e mars 1676.

On est bien moins de temps à recevoir des réponses de Quebec, que vous ne serez à recevoir celle-ci ; mais je serai entièrement justifiée auprès de vous, si vous voulez bien ajouter à tout le chemin qu’elle va faire, l’incident d’un accouchement qui s’est placé mal à propos entre votre lettre et celle-ci. En lisant la supputation que vous me faisiez sur les couches de Madame votre fille[2], il me prit une si violente envie d’accoucher, que toute la supputation que je faisois de n’être qu’à huit mois, ne fut pas capable de m’en empêcher. Si j’avois su que vos lettres eussent eu la même vertu que les reliques de sainte Marguerite[3], je vous aurois prié de différer d’un mois la joie

  1. LETTRE 515. — Cette lettre ne fut envoyée à Bussy que près d’un mois plus tard par Mme de Sévigné, après son retour à Paris. Voyez plus loin, p. 404, le billet du 10 avril.
  2. Voyez la lettre de Bussy à Mme de Grignan, du 3 janvier précédent, p. 316.
  3. Le poëte Vida de Crémone, dans un hymne latin en l’honneur de sainte Marguerite, nomme cette vierge la Lucine des chrétiens, et dit que les mères l’invoquent quand leur terme approche. On gardait des reliques de sainte Marguerite dans l’église de l’abbaye de Saint-Germain des Prés. Dans l’histoire de cette abbaye par dom Jacques Brouillart (p. 257), on lit ce qui suit : « Le 16e octobre 1661, le père prieur de Saint-Germain eut ordre du Roi de porter à Fontainebleau les reliques de sainte Marguerite, pour satisfaire la dévotion de la Reine qui les demandoit et étoit proche de son terme. Le père prieur obéit aussitôt ; mais avant son départ il ordonna par un mandement des prières publiques pour Sa Majesté, avec l’exposition du saint sacrement, dans toutes les églises du faubourg, ce qui dura jusques au 1er de novembre, que la Reine mit au monde un Dauphin, qui fut ondoyé aussitôt. »