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1675Vitré. D’abord cette duchesse m’envoie un compliment fort honnête, disant qu’elle me viendroit voir. J’y fus dîner le lendemain ; elle me reçut avec joie, et m’entretint deux heures avec affectation et empressement, pour me conter toute leur conduite depuis six mois, et tout ce qu’elle a souffert, et les horribles périls où elle s’est trouvée. Elle sait que je trafique en plusieurs endroits, et que je pouvois avoir été instruite par des gens qui m’auroient dit le contraire : je la remerciai fort de sa confiance, et de l’honneur qu’elle me faisoit de me vouloir instruire. En un mot, cette province a grand tort ; mais elle est rudement punie, et au point de ne s’en remettre jamais. Il y a cinq mille hommes à Rennes[1], dont plus de la moitié y passera l’hiver : ce sera assez pour y faire des petits, comme dit le maréchal de Gramont[2]. MM. de Fourbin et de Vins s’ennuient fort de leur emploi ; ce dernier m’a accablée de compliments ; je crois qu’il viendra ici. Ils s’en retourneront dans quinze jours ; mais toute l’infanterie demeurera. On a pris à l’aventure vingt-cinq ou trente hommes que l’on va pendre. On a ôté le parlement : c’est le dernier coup ; car Rennes sans cela ne vaut pas Vitré. Mme de Tarente nous a sauvés des contributions. Je ne veux point dire ce que M. de Chaulnes m’a mandé, quand je serois seule dans le pays, et comme il ménage Sévigné[3], qui est aux portes de Rennes[4]. Tous ces malheurs retardent toutes les affaires, et achèvent de

  1. LETTRE 462 (revue en très-grande partie sur une ancienne copie). — Dans le manuscrit : « Il y a cinq mille hommes de Rennes. »
  2. Voyez la lettre du 27 août précédent, p. 94.
  3. C’est-à-dire la terre de Sévigné.
  4. Tel est le texte de notre manuscrit (seulement le copiste a écrit menge, pour ménage, et Savigné, pour Sévigné). Y aurait-il quelques mots sautés ? Cette lettre manque dans les éditions antérieures à Perrin. Dans sa première (1734) le chevalier a omis cette phrase ; dans sa seconde (1754), il en a ainsi arrangé la fin : « m’a mandé ;