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1675 à ses juges, et leur disoit : « Messieurs, je pense bien que je n’y ai pas nui, mais ce n’est pas à moi l’enfant. » Mon cousin, je vous demande pardon, je trouve cela naïf et plaisant. S’il vous vient un petit conte à la traverse, ne vous en contraignez pas.

Mais pour revenir à M. de Coligny, il est certain que mon approbation ne lui peut pas nuire. Sa lettre me paroît de très-bon sens et tout homme qui sait faire un compliment comme celui-là, aussi simple et aussi juste, doit avoir de la raison et de l’esprit. Je le souhaite pour l’amour de ma nièce que j’aime fort. À tout hasard, les leçons que vous lui donnez pour s’ennuyer et pour se divertir sont très-bonnes en ménage. Je suis les règles que vous me donnez pour vivre longtemps : je ne suis pas au lit plus de sept heures ; je mange peu[1] ; j’ajoute à vos préceptes de marcher beaucoup ; mais ce que je fais de mal, c’est que je ne puis m’empêcher de rêver tristement dans de grandes allées sombres que j’ai. C’est un poison pour nous que la tristesse, et c’est la source des vapeurs. Vous avez raison de trouver que ce mal est dans l’imagination : vous l’avez parfaitement défini, c’est le chagrin qui le fait naître, et la crainte qui l’entretient. Un admirable remède pour moi seroit d’être avec vous : le chagrin me seroit inconnu, et vous m’apprendriez à ne pas craindre la mort.

Il y a douze jours que je suis ici ; j’y suis venue par la rivière de Loire : cette route est délicieuse. J’y ai vu en passant l’abbé d’Effiat à Veret : cette maison est merveilleuse. Je vis aussi Vineuil[2] à Saumur ; il est dévot : c’est

  1. Dans notre copie, peu est écrit au-dessus de la ligne, et d’une autre main.
  2. Ardier, sieur de Vineuil, « qu’on appeloit à la cour M. le marquis de Vineuil (ou Ardier le Gentilhomme), secrétaire du Roi, garçon qui a pourtant de l’esprit et qui est bien fait (voyez tome IV de