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1675suis toute à vous, ma très-chère : voilà, dites-vous, une belle nouvelle !

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453. —— DE MADAME DE SÉVIGNÉ
À MADAME DE GRIGNAN.
Aux Rochers, dimanche 6e octobre.

Enfin j’avois raison de trouver qu’il me manquoit un ordinaire. Je reçois, malgré notre extrême éloignement, vos lettres du mercredi, par exemple, le vendredi : c’est le dixième jour. Vraiment, ma fille, vous me contez une histoire bien lamentable de vos pauvres lettres perdues ; est-ce Baro qui a fait la sottise ? On est gaie, gaillarde, on croit avoir entretenu tous ses bons amis (pour Monsieur l’Archevêque, je le plains encore davantage, car il n’écrit que pour des choses importantes), et il se trouve que toute la peine qu’on a prise, c’est pour être dans un bourbier, dans un précipice. Pour M. de Grignan, le voilà rebuté d’écrire pour le reste de sa vie : quelle aventure pour un paresseux ! Vous verrez que désormais il n’écrira plus, et ne voudra point hasarder de perdre sa peine. Si vous mandez ce malheur au Coadjuteur, il en fera bien son profit. Je comprends ce chagrin le plus aisément du monde ; mais j’entre bien aussi dans celui que vous allez avoir de quitter Grignan pour aller dans la contrainte des villes : la liberté est un bien inestimable ; vous le sentez mieux que personne, et je vous plains, ma très-chère, plus que je ne puis vous le dire. Hélas vous n’aurez point Vardes, ni Corbinelli : c’eût été pourtant une bonne compagnie. Vous deviez bien me nommer les quatre dames qui vous venoient assassiner : pour moi, j’ai le temps de me fortifier contre ma méchante compagnie ; je la sens venir par un côté, et je