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1675contente de celui de Saint-Denis[1] : je n’en ai jamais vu un si bon. N’admirez-vous point ce que fait la mort de ce héros, et la face des affaires depuis que nous ne l’avons plus ? Ah ! ma chère enfant, qu’il y a longtemps que je suis de votre avis ! rien n’est bon que d’avoir une belle et bonne âme : on la voit en toute chose comme au travers d’un cœur de cristal : on ne se cache point ; vous n’avez point vu de dupes là-dessus : on n’a jamais pris longtemps l’ombre pour le corps. Il faut être, il faut être, si l’on veut paroître : le monde n’a point de longues injustices ; vous devez être de cet avis pour vos propres intérêts. Adieu, ma chère enfant, je vous embrasse de tout mon cœur.

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443. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ
À MADAME DE GRIGNAN.
À Orléans, mercredi 11e septembre.

Enfin, ma bonne, me voilà prête à m’embarquer sur notre Loire : vous souvient-il du joli voyage que nous y fîmes[2] ? J’y penserai souvent quoique votre Rhône soit terribilis[3], je voudrois être aussi près de me confier à sa prud’homie. Il ne faut point que je prétende à vivre agréablement sans vous. Je vous écrirai de tous les lieux où je pourrai : j’attends demain de grand matin une lettre de vous, que j’ai dit qu’on m’adressât ici. Vous dites que l’espérance est si jolie ; hélas ! il faut qu’elle le soit encore au delà de ce que vous dites, pour nourrir plus de la

  1. Voyez la lettre du 30 août précédent, p. 35 et 36.
  2. LETTRE 443. — En 1654, d’après Walckenaer. Voyez la Notice, p. 89, et Walckenaer, tome V, p. 268.
  3. Dans l’édition de la Haye (1726) : « soit terrible et fasse peur ; » et à la fin de la phrase : « me confier à lui. »