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lui faire un compliment ; M. de Grignan en a beaucoup à faire, et peut-être des ennemis[1] ; car ils prétendent du monseigneur, et c’est une injustice qu’on ne peut leur faire comprendre.

M. de Turenne avoit dit à M. le cardinal de Retz en lui disant adieu[2] (et d’Hacqueville ne l’a dit que depuis deux jours) « Monsieur, je ne suis point un diseur ; mais je vous prie de croire sérieusement que sans ces affaires-ci, où peut-être on a besoin de moi, je me retirerois comme vous ; et je vous donne ma parole que, si j’en reviens, je ne mourrai pas sur le coffre[3] et je mettrai, à votre exemple, quelque temps entre la vie et la mort. » Notre cardinal sera sensiblement touché de cette perte. Il me semble, ma fille, que vous ne vous lassez point d’en entendre parler : nous sommes convenus qu’il y a des choses dont on ne peut trop savoir de détails.

J’embrasse M. de Grignan je vous souhaiterois quel-

  1. Parmi les nouveaux maréchaux.
  2. Perrin, dans l’édition de 1754, a ajouté une transition et remanié toute la phrase : «  Je reviens à M. de Turenne, qui, en disant adieu à M. le cardinal de Retz, lui dit : « Monsieur, etc. » . Je tiens cela de d’Hacqueville, qui ne l’a dit que depuis deux jours. »
  3. Au service du maître, à la cour, dans les antichambres (où les coffres servaient de siéges) piquer le coffre était passé en proverbe. Tristan l’Hermite (mort, en 1655, domestique de Gaston) avait dit dans son épitaphe :

    Ébloui de l’éclat de la splendeur mondaine,
    Je me flattois toujours d’une espérance vaine ;
    Faisant le chien couchant auprès d’un grand seigneur,
    Je me vis toujours pauvre, et tâchai de paroître ;
    Je vécus dans la peine, attendant le bonheur,
    Et mourus sur un coffre en attendant mon maître.