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sûreté ? Voilà de belles nouvelles, ma pauvre bonne, au lieu de vos aimables relations.

Mme de la Fayette est toujours languissante ; M. de la Rochefoucauld toujours écloppé ; nous faisons quelquefois des conversations d’une tristesse qu’il semble qu’il n’y ait plus qu’à nous enterrer. Le jardin de Mme de la Fayette est la plus jolie chose du monde : tout est fleuri, tout est parfumé ; nous y passons bien des soirées, car la pauvre femme n’ose pas aller en carrosse. Nous vous souhaiterions bien quelquefois derrière une palissade pour entendre certains discours de certaines terres inconnues[1] que nous croyons avoir découvertes. Enfin, ma fille, en attendant ce jour heureux de mon départ, je passe du faubourg au coin du feu de ma tante, et du coin du feu de ma tante à ce pauvre faubourg.

Je vous prie, ma chère, n’oubliez pas tout à fait M. d’Harouys, dont le cœur est un chef-d’œuvre de perfection, et qui vous adore. Adieu, ma très-aimable enfant ; j’ai bien envie de savoir de vos nouvelles, et de votre fils. Il fait bien chaud chez vous autres ; je crains cette saison pour lui, et pour vous beaucoup plus, car je n’ai pas encore pensé qu’on pût aimer quelque chose plus que vous.

J’embrasse mon cher Grignan. Vous aime-t-il toujours bien ? Je le prie de m’aimer aussi.


  1. 9. Allusion aux Terres inconnues, indiquées sur la carte de Tendre, dans la Clélie de Mlle de Scudéry. Voyez la lettre suivante, troisième alinéa.