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1672


devant la Bonnelle[1] : « Ah ! dit la Bonnelle, voilà une mijaurée qui a eu plus de cent mille écus de nos hardes. » La Choiseul se retourne, et comme Arlequin : « Hi, hi, hi, hi, hi, lui fit-elle en lui riant au nez : voilà comme on répond aux folles ; » et passe son chemin. Quand cela est aussi vrai qu’il l’est, cela fait extrêmement rire.

Mme de Coulanges et M. de Barillon[2], jouèrent hier la scène de Vardes et de Mlle de Toiras[3] ; nous avions tous envie de pleurer ; ils se surpassèrent eux-mêmes. Mais la Champmeslé est quelque chose de si extraordinaire, qu’en votre vie vous n’avez rien vu de pareil ; c’est la comédienne que l’on cherche et non pas la comédie ; j’ai vu Ariane[4] pour elle seule : cette comédie est fade ; les comédiens sont maudits ; mais quand la Champmeslé arrive, on entend un murmure ; tout le monde est ravi ; et l’on pleure de son désespoir[5].

M. le chevalier de Lorraine alla voir l’autre jour la

    mourut sans enfants, à soixante-quatorze ans, en 1710, séparée de son mari depuis un grand nombre d’années. Voyez Saint-Simon, tome IX, p. 83. — Celle à qui appartenait le titre de duchesse de Choiseul semble avoir toujours été appelée la maréchale du Plessis (du Plessis Praslin). Voyez tome II, p. 394, note 5.

  1. 6. Charlotte de Prie, sœur aînée de la maréchale de la Mothe Houdancourt, veuve depuis deux ans de Noël de Bullion, seigneur de Bonnelle, marquis de Gallardon, président, puis conseiller d’honneur au parlement de Paris, fils aîné du surintendant de Bullion. Elle mourut en 1700, âgée de soixante-dix-huit ans.
  2. 7. Voyez tome II, p. 119, note 23.
  3. 8. Voyez tome II, p. 257, note 3.
  4. 9. Tragédie de Thomas Corneille, représentée pour la première fois le 4 mars 1672, sur le théâtre de l’Hôtel de Bourgogne. « Ariane eut un succès prodigieux… et balança beaucoup la réputation du Bajazet de Racine, qu’on jouait en même temps, quoique assurément Ariane n’approche pas de Bajazet ; mais le sujet était heureux. » (Préface de Voltaire.)
  5. 10. « Enfin, dans cette pièce, il n’y a quAriane, » dit Voltaire à la fin de son commentaire.