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lement les desseins sont fort cachés, mais après même qu’ils sont découverts, on ne veut pas qu’on les mande.
Passe pour le premier, il est juste, les secrets éventés réussissent rarement ; pour le second, il est inutile et malin[1].
Vous avez raison de dire que cette campagne fait peur. Elle sera terrible[2] ; et voilà comme je les aime ; si j’y étois, j’y prétendrois acquérir de la gloire ou mourir ; n’y étant pas, la fortune me détrapera[3] de bien des gens que je n’aime point.
Vous savez que les spectateurs sont cruels ; et je vous apprends que les spectateurs malheureux sont mille fois plus cruels que les autres. Je ne demande à Dieu que la conservation du Roi, de Monsieur, de Monsieur le Prince, de Monsieur le Duc, et d’un petit nombre d’amis[4]. Après cela, je ne trouverai pas mauvais que les Hollandois se défendent en gens d’honneur ; mais je veux à la fin que le Roi prenne leurs places ; car j’ai soin de la réputation de mon maître aussi bien que de sa vie.
Adieu, ma belle cousine, je vous assure que je vous trouve fort aimable, et que je vous aime fort aussi.
Vous me réjouissez fort, Monsieur, de me dire que j’ai de l’air d’Horace. Si cela est, c’est à la nature à qui
- ↑ 2. Cette phrase est biffée dans le manuscrit. Pour la remplacer, une autre main, qui n’est pas celle de Mme de Coligny, a ajouté à la phrase précédente : « et l’on a raison. »
- ↑ 3. Mme de Coligny a ajouté dans l’interligne : « Je crois comme vous qu’(elle sera terrible). »
- ↑ 4. Détraper est un vieux mot qui signifie débarrasser, délivrer. — Dans l’édition de 1818, la première où se lise cette fin de phrase, biffée dans le manuscrit, on avait imprimé par erreur détrompera.
- ↑ 5. Mme de Coligny a ainsi corrigé cette phrase : « du Roi et de la maison royale et de mes amis »