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il vaut encore mieux souffrir par là que par les autres endroits.

J’ai vu Mme de Martel chez elle, et je lui ai dit tout ce que vous pouvez penser. Son mari lui a écrit des ravissements de votre beauté ; il est comblé de vos politesses ; il vous loue et vous admire. Sa femme m’étoit venue chercher pour me montrer cette lettre ; je la trouvai enfin, et je vous acquittai de tout. Rien n’est plus romanesque que vos fêtes sur la mer, et vos festins dans le Royal-Louis, ce vaisseau d’une si grande réputation.

Le véritable Louis[1] est en chemin avec toute son armée ; les lettres ne disent rien de positif, parce qu’on ne sait rien. Il n’est plus question de Maestricht ; on dit qu’on va prendre trois places, l’une sur le Rhin, l’autre sur l’Yssel, et la troisième tout auprès : je vous manderai leurs noms, quand je les saurai. Rien n’est plus confus que toutes les nouvelles de l’armée : ce n’est pas faire sa cour que d’en mander, ni de se mêler de deviner et de raisonner. Les lettres sont plaisantes à voir. Vous jugez bien que je passe ma vie avec des gens qui ont des fils assez bien instruits ; mais il est vrai que le secret est grand sur les intentions de Sa Majesté. L’autre jour un homme de très-bonne maison[2] écrivoit à un de ses amis ici : « Je vous prie, mandez-moi où nous allons, si nous passerons l’Yssel, ou si nous assiégerons Maestricht. » Vous pouvez juger par là des lumières que nous avons ici. Je vous assure que le cœur est en presse. Vous êtes heureuse d’avoir votre cher mari[3] en sûreté, qui n’a d’autre fatigue que de voir toujours votre chien de visage

  1. 2. Dans l’édition de 1734, où le paragraphe précédent manque, il y a ici simplement : le Roi.
  2. 3. Monsieur le Duc. (Note de Perrin.) — L’édition de 1734 ajoute, entre parenthèses : « Vous comprenez bien qui c’est. »
  3. 4. « Votre cher époux. » (Édition de 1734.)