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Nous aimons mieux ceux qui nous entendent bien, que ceux qui se font écouter[1].

Nous devons nous aimer à la pareille, pour nous être toujours si bien entendus.

Vous dites des merveilles sur l’affaire des maréchaux de France ; je ne saurois entrer dans ce procès : je suis toujours de l’avis de celui que j’entends le dernier. Les uns disent oui, les autres disent non, et moi je dis oui et non : vous souvenez-vous que cela nous a fait rire à une comédie italienne ?

Je vous prie de parler toujours de moi à tous venants, et de ne pas perdre le temps de donner quelques petits traits de votre façon au panégyrique que fait de moi la marquise de Saint-Martin[2]. Soyez alerte, et vous placez entre deux périodes avec autant d’habileté, qu’elle a de facilité à parler.

Nous ne savons ici aucunes nouvelles. Le Roi marche on ne sait où. Les desseins de Sa Majesté sont cachés, comme il le souhaite. Un officier d’armée mandoit l’autre jour à un de ses amis qui est ici : « Je vous prie de me mander si nous allons assiéger Maestricht, ou si nous allons passer l’Yssel. »

Je vous assure que cette campagne me fait peur. Ceux qui ne sont point à la guerre, par leur malheur plutôt que par leur volonté, ne me paroissent point malheureux[3].

  1. Lettre 275. — 1. Voyez la Maxime 139, et dans les Réflexions diverses le morceau intitulé de la Conversation. Mme de Sévigné cite de mémoire et ne donne pas les termes, mais seulement le sens de la Rochefoucauld.
  2. 2. Voyez ci-dessus, p. 51, et plus loin la note de la lettre du 31 mai 1675.
  3. 3. Mme de Coligny a ajouté entre les lignes : « Une marque que le Roi n’est pas fatigué de vos lettres, c’est qu’il les lit ; il ne s’en contraindra pas ; » et à la fin de sa lettre : « (Avec notre ami) qui n’a pas mieux senti que moi tous les charmes de vos deux épîtres, mais qui vous en parlera plus dignement. »