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entendez bien ce que je veux dire ; mais vous en jouirez, s’il plaît à Dieu, pendant la vie de notre abbé[1]. Je me faisois conter l’autre jour ce que c’est que votre printemps, et où se mettent vos rossignols pour chanter. Je ne vois que des pierres, des rochers affreux, ou des orangers et des oliviers dont l’amertume ne leur plaît pas. Remettez-moi votre pays en honneur. J’approuve fort le voyage que vous faites ; je le crois divertissant ; le bruit du canon me paroît d’une dignité de convenance ; il y a quelque chose de romanesque à recevoir partout sa princesse avec cette sorte de magnificence. Pour des étrangers et des princes Thrasybules[2] qui arrivent à point nommé, je ne crois pas que vous en ayez beaucoup : voilà ce qui manque à votre roman ; cette petite circonstance n’est pas considérable. Vous deviez bien me mander qui vous accompagne dans cette promenade. M. de Martel[3] a mandé ici qu’il vous recevroit comme la reine de France. Je trouve fort plaisante la belle passion du général des galères[4]. Quand il voudra jouer l’homme saisi et suffoqué, il n’aura guère de peine : de la façon dont vous le représentez, il crèvera aux pieds de sa maîtresse. Il me semble que vous êtes mieux ensemble que vous n’étiez : je comprends qu’à Marseille il m’aime fort tendrement.

Vos lettres sont envoyées fidèlement : vous pourriez m’en adresser davantage, sans crainte de m’incommoder. Mais pourquoi ne m’avez-vous point mandé le sujet de votre chagrin de l’autre jour ? J’ai pensé à tout ce qui

  1. 2. Voyez la lettre du 22 janvier précédent, tome II, p. 475.
  2. 3. Voyez l’Histoire de Thrasibule et d’Alcionide au livre III de la troisième partie du Grand Cyrus.
  3. 4. Commandant la marine à Toulon. (Note de Perrin.) — Voyez la note 1 de la lettre du 16 mai suivant à Mme de Grignan.
  4. 5. M. de Vivonne, qui étoit excessivement gros. (Note de Perrin, 1734.) — Voyez la note 5 de la lettre 148.