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bien le fantôme ; on le dit présentement pour dire un stratagème[1]. Nos voyages sont suspendus, comme je vous ai dit. La cour s’en va à Fontainebleau ; c’est Madame qui le veut. Je m’en irai en Bretagne avec M. d’Harouys ; nous prendrons notre temps : la Bretagne est plus enflammée que jamais. Mme de Chaulnes n’est pas prisonnière, mais elle ne peut sortir de Rennes. C’est une belle différence ! J’ai vu tantôt Monsieur le procureur général comme pour prendre congé de lui. Il est ravi que je suis hors d’affaire. Il voudroit que j’eusse déjà la ratification ; je le voudrois bien aussi ; j’espère qu’elle viendra avant que je parte, car je ne pars pas sitôt que je pensois : ce seroit une folie.

Quantova est une amie déclarée sans aucun soupçon : l’ami[2] le dit ainsi au curé de la paroisse, qui de son côté dit ce qu’il faut, et fait un très-honnête personnage, et ne laisse aucune vérité étouffée. Mais vous savez l’histoire de la méchante paye, et de n’être pas le plus fort : tout se fait a viso aperto[3], et tout est admis au jeu.

Mlle d’Armagnac est mariée à ce Cadaval[4] ; elle est jolie et belle ; c’est le chevalier de Lorraine qui l’épouse : elle fait pitié d’aller chercher si loin la consommation. J’enverrai bientôt les airs de l’opéra à M. de Grignan ; s’il est auprès de vous, je l’embrasse et le conjure d’avoir quelque sorte d’amitié pour lui et pour vous[5]. Adieu,

  1. 11. Voyez la fin de la lettre du 5 juillet précédent, p. 508.
  2. 12. L’ami de Quantova, Louis XIV.
  3. 13. À visage ouvert.
  4. 14. Nuno-Alvares Pereira de Mello, duc de Cadaval, grand maître de la maison de la reine de Portugal, veuf de Marie-Angélique-Henriette de Lorraine, sœur du prince d’Harcourt, morte en couches le 16 juin 1674. Voyez tome II, p. 37, note 4 — Les fiançailles avaient été célébrées à Versailles le 25 juillet. Le chevalier de Lorraine représentait le duc de Cadaval.
  5. 15. Dans les éditions de 1726 : « d’avoir grand soin de vous. »