1675
cette affaire ; mais comme je vous empêche, sur l’amitié, d’être le plus grand capitaine du monde, l’abbé[1] m’empêche d’être la personne la plus agitée et la plus occupée de vos affaires : il m’efface par son activité. Il est vrai qu’étant jointe à son habileté, il doit battre plus de pays que moi ; il le fait aussi, et dès sept heures du matin il sort pour consulter les mots et les points et les virgules de cette transaction. Le bien Bon a quelquefois des disputes avec Mlle de Méri ; mais savez-vous ce qui les cause ? C’est assurément l’exactitude de l’abbé, beaucoup plus que l’intérêt ; mais quand l’arithmétique est offensée, et que la règle de deux et deux font quatre est blessée en quelque chose, le bon abbé est hors de lui : c’est son humeur, il le faut prendre sur ce pied-là. D’un autre côté, Mlle de Méri a un style tout différent ; quand par esprit ou par raison elle soutient un parti, elle ne finit plus, elle le pousse ; il se sent suffoqué par un torrent de paroles ; il se met en colère, et en sort par faire l’oncle, et dire qu’on se taise : on lui dit qu’il n’a point de politesse ; politesse est un nouvel outrage, et tout est perdu ; on ne s’entend plus ; il n’est plus question de l’affaire ; ce sont les circonstances qui sont devenues le principal. En même temps je me mets en campagne, je vais à l’un, je vais à l’autre, je fais un peu comme le cuisinier de la comédie[2] ; mais je finis mieux, car on en rit ; et au bout du compte, que le lendemain Mlle de Méri retourne au bon abbé, et lui demande son avis bonnement, il lui donnera, il la servira ; il est très-bon, et le bien Bon, je vous en assure ; il a ses humeurs : quelqu’un est-il parfait ? Je vous réponds toujours d’une chose, c’est qu’il n’y aura qu’à rire de leurs disputes, tant que j’en serai témoin.