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des pierres dans le jardin du patron[1]. On dit qu’il y a cinq ou six cents bonnets bleus en basse Bretagne qui auroient bon besoin[2] d’être pendus pour leur apprendre à parler. La haute Bretagne est sage, et c’est mon pays.

Mon fils me mande qu’il y a un détachement de dix mille hommes ; il n’en est pas. Monsieur le Prince y est, Monsieur le Duc ; mais on me dit hier qu’il n’y avoit rien de dangereux, et qu’ils étoient pêle-mêle avec les ennemis, la rivière entre-deux, comme disent les goujats. Je voudrois avoir des lettres du chevalier à vous envoyer. On ne dit rien de M. de Turenne, sinon qu’il est posté à souhait pour ne faire que ce qu’il lui plaira.

Il m’a paru que l’envie d’être approuvé de l’académie d’Arles[3] vous pourra faire avoir quelques maximes de M. de la Rochefoucauld. Le portrait vient de lui ; et ce qui me le fit trouver bon, et le montrer au Cardinal, c’est qu’il n’a jamais été fait pour être vu. C’étoit un secret que j’ai forcé, par le goût que je trouve à des louanges en absence, par un homme[4] qui n’est ni intime ami, ni flatteur. Notre cardinal trouva le même plaisir que moi à voir que c’étoit ainsi que la vérité forçoit à parler de lui, quand on ne l’aimoit guère, et qu’on croyoit qu’il ne le sauroit jamais[5]. Nous apprendrons bientôt comme

  1. 13. Du duc de Chaulnes. Voyez la lettre 408, p. 484.
  2. 14. Dans l’édition de 1734 : « qui auroient bien besoin. »
  3. 15. Une académie royale des sciences et des langues fut établie à Arles en 1669 ; le Roi s’en déclara fondateur, et le duc de Saint-Aignan en fut le premier protecteur ; elle se composait alors de vingt membres ; ce nombre fut porté à trente en 1677.
  4. 16. « De la part. d’un homme. » (Édition de 1754.)
  5. 17. On a quelque peine à comprendre que le cardinal de Retz ait pu trouver du plaisir à lire ce portrait, et l’on ne peut s’empêcher de se demander si celui qui a été imprimé pour la première fois dans l’édition de 1754 et que nous avons donné d’après Perrin (voyez plus haut, p. 486 et suivantes) est bien le même que Mme de Sévigné a envoyé à sa fille.