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suis convaincue de son amitié et de son dévouement pour moi ; je sens son absence ; mais, ma bonne, après vous avoir perdue, que peut-il m’arriver dont je doive me plaindre ? Je ne m’en plains aussi que par rapport à vous, comme un de ceux[1] avec qui je trouve plus de consolation ; car il ne faut pas croire que ceux à qui je n’ose en parler autant que je voudrois me soient aussi agréables que ceux qui sont dans mes sentiments. Il me semble que vous avez peur que je ne sois ridicule, et que je ne me répande excessivement sur ce sujet : non, non, ma bonne, ne craignez rien ; je sais gouverner ce torrent : fiez-vous un peu à moi, et me laissez vous aimer jusqu’à ce que Dieu vous ôte un peu de mon cœur pour s’y mettre : c’est à lui seul que vous céderez cette place. Ma bonne, savez-vous bien que je me suis trouvée si uniquement occupée et remplie de vous, que mon cœur n’étant capable d’aucune autre pensée, on m’a défendu de faire mes dévotions à la Pentecôte ? et c’est savoir le christianisme. Adieu, mon enfant, j’achèverai ma lettre ce soir.


Je reçois votre lettre de Mâcon, ma très-chère bonne. Je n’en suis pas encore à les pouvoir lire[2], sans que la fontaine joue son jeu : tout est si tendre dans mon cœur, que dès que je touche à la moindre chose, je n’en puis plus. Vous pouvez penser qu’avec cette belle disposition je rencontre souvent des occasions ; mais, ma bonne, ne craignez rien pour ma santé : je ne puis jamais oublier cette bouffée de philosophie que vous me vîntes souffler ici la veille de votre départ ; j’en profite

  1. 11. C’est le texte de la Haye. L’édition de Rouen porte : « parce qu’il est un de ceux. »
  2. 12. « À pouvoir lire ce qui me vient de vous. »