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ils nous ont appris que le Roi, au lieu de partir demain, comme tout le monde le croyoit, afin d’éviter les larmes est parti à dix heures du matin, sans que personne l’ait su. Il est parti lui douzième ; tout le reste courra après. Au lieu d’aller à Villers-Cotterets, il est allé à Nanteuil[1], où l’on croit que d’autres gens se trouveront, qui sont disparus aussi[2]. Demain il ira à Soissons, et tout de suite, comme il l’avoit résolu. Si vous ne trouvez cela galant, vous n’avez qu’à le dire. La tristesse où tout le monde se trouve est une chose qu’on ne sauroit imaginer au point qu’elle est. La Reine est demeurée régente : toutes les compagnies souveraines l’ont été reconnoître et saluer. Voici une étrange guerre, et qui commence bien tristement.

En revenant chez moi, j’ai trouvé notre pauvre cardinal de Retz qui me venoit dire adieu : nous avons causé une heure ; il vous a écrit un petit mot, et part demain matin ; Monsieur d’Uzès part aussi : qui est-ce qui ne part point ? Hélas ! c’est moi ; mais j’aurai mon tour comme les autres. Il est vrai que c’est une chose cruelle que de faire deux cents lieues pour se retrouver à Aix. J’approuve fort votre promenade et le voyage de Monaco : il s’accordera fort bien avec mon retardement. Je crois que j’arriverai à Grignan un peu après vous. Je vous conjure, ma bonne, de m’écrire toujours soigneusement ; je suis désolée quand je n’ai point de vos lettres. J’ai été chercher quatre fois le président de Gallifet, et même je l’avois prié une fois de m’attendre, ce n’est pas ma faute si je ne l’ai pas vu. Je suis ravie, ma bonne, que vous ne soyez point grosse ; j’en aime M. de Grignan

  1. 13. Nanteuil-le-Haudouin, dans l’Oise, à douze lieues nord-est de Paris, au delà de Dammartin, sur la route de Soissons.
  2. 14. Il paraît qu’il s’agit ici de Mme de Montespan. Voyez la note 15 de la lettre suivante.