1672
de Paris ; on a fait ce calcul dans les quartiers à peu près. Il y a quatre jours que je ne dis que des adieux. Je fus hier à l’Arsenal ; je voulus dire adieu au grand maître[1] qui m’étoit venu chercher ; je ne le trouvai pas. Je trouvai la Troche[2], qui pleuroit son fils ; la Comtesse[3], qui pleuroit son mari. Elle avoit un chapeau gris, qu’elle enfonça, dans l’excès de ses déplaisirs ; c’étoit une chose plaisante ; je crois que jamais un chapeau ne s’est trouvé à une pareille fête : j’aurois voulu ce jour-là mettre une coiffe ou une cornette. Enfin ils sont partis tous deux ce matin, l’un pour Lude, et l’autre pour la guerre ; mais quelle guerre ! la plus cruelle, la plus périlleuse, depuis le passage de Charles VIII en Italie. On l’a dit au Roi. L’Yssel est défendu, et bordé de deux cents pièces de canon, de soixante mille hommes de pied, de trois grosses villes, d’une large rivière qui est encore au devant[4]. Le comte de
- ↑ 4. Le comte du Lude, grand maître de l’artillerie depuis 1669.
- ↑ 5. Sur Mme de la Troche, voyez la note 4 de la lettre 41, et sur son fils, la lettre du 24 juin 1672.
- ↑ 6. Renée-Éléonore de Bouillé, première femme du comte du Lude, étoit grande chasseresse, et toujours vêtue en homme (une chasseuse à outrance, et qui joue ici au mail publiquement en justeaucorps, dit Tallemant des Réaux, tome V, p. 363). Elle passoit sa vie à la campagne. (Note de Perrin.) — C’est sans doute à cause de ses habitudes viriles que Mme de Sévigné dit un peu plus bas, en parlant d’elle, l’un, et non pas l’une. C’est le texte du manuscrit, aussi bien que de l’édition de la Haye (1726) et de la première de Perrin (1734). Dans la seconde (1754), le chevalier a remplacé l’un… et l’autre par la femme… et le mari.
- ↑ 7. Le Rhin, en Hollande, se partage, comme l’on sait, en trois bras : le Wahal au Sud, le Rhin ou Leck au milieu, et l’Yssel au Nord. On crut d’abord que c’était l’Yssel, le plus faible des trois bras, que le Roi voulait passer. Voyez le Mémoire de Louis XIV sur la campagne de 1672, cité par M. Rousset dans son Histoire de Louvois, tome I, p. 357 et suivantes.
du matin, et alla coucher à Nanteuil, et le lendemain à Soissons, d’où il continua sa route vers les Pays-Bas.