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l’autre étoit plus agréable[1] ; Baptiste croyoit l’avoir surpassé ; le plus juste s’abuse : ceux qui aiment la symphonie y trouvent des charmes nouveaux ; je crois que je vous attendrai pour y aller. Les bals de Saint-Germain sont d’une tristesse mortelle : les petits enfants veulent dormir dès dix heures, et le Roi n’a cette complaisance que pour marquer le carnaval, sans aucun plaisir. Il disoit à son dîner : « Quand je ne donne point de plaisir, on se plaint ; et quand j’en donne, les dames n’y viennent pas. » Il ne dansa la dernière fois qu’avec Mme de Crussol, qu’il pria de ne lui point rendre sa courante. M. de Crussol[2], qui tient le premier rang pour les bons mots, disoit en regardant sa femme plus rouge que les rubis dont elle étoit parée : « Messieurs, elle n’est pas belle, mais elle a bon visage. »

Votre retour est présentement la grande nouvelle de la cour ; vous ne sauriez croire les compliments que l’on m’en fait. Il y a aujourd’hui cinq ans, ma fille, que vous fûtes… quoi ?… mariée.

J’ai vu enfin chez elle la pauvre Caderousse ; elle est verte et perd son sang et sa vie : trois semaines tous les mois, cela ne peut pas aller loin[3] ; mais voilà M. le chevalier de Grignan qui vous dira le reste.

Je vous embrasse, ma chère enfant, avec une tendresse infinie.


  1. 2. Probablement Cadmus et Hermione de Quinault et Lulli, représenté sur le théâtre du Bel-Air en 1672, et le 17 avril 1673 sur le théâtre du Palais-Royal. Voyez Walckenaer, tome V, p. 257 et 125.
  2. 3. Depuis duc d’Uzès. (Note de Perrin.)
  3. 4. Elle mourut en décembre 1675. Voyez tome I, p. 493, note 5, et tome II, p. 94.