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ne font point de façon de m’interrompre dans ma pensée que vous venez. J’embrasse M. de Grignan ; je lui recommande la barque : ne soyez pas hasardeuse, ne vous exposez pas mal à propos : ah ! quelle folie ! La Garde vous conseille bien d’emmener le moins de gens que vous pourrez.


1674

375. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Paris, vendredi 26e janvier.

D’Hacqueville et la Garde sont toujours persuadés que vous ne sauriez mieux faire que de venir : venez donc, ma chère enfant, et vous ferez changer toutes choses. Si me miras, me miran[1] : cela est divinement bien appliqué : il faut mettre votre cadran au soleil, afin qu’on le regarde. Votre intendant[2] ne quittera pas sitôt la Provence : il a mandé à Mme d’Herbigny que vous lui faisiez tort de croire que la justice seule le mît dans vos

  1. Lettre 375 (revue en très-grande partie sur une ancienne copie). — 1. Si tu me regardes, (tous) me regardent. — À l’espagnol si les éditeurs ont substitué l’italien se. — « Au carrousel qui fut fait à Paris dans la place Royale l’an 1612 pour les mariages de Louis XIII avec Anne d’Autriche, et de Madame de France avec le prince d’Espagne… parmi les chevaliers du Soleil, M. le comte de Croisi prit un cadran au soleil : Si me miras, me miran… Cette devise (espagnole) est fort semblable à celle de Louise de Vaudemont, femme de Henri III, qui avait un cadran au soleil, avec ce mot : Aspice ut aspiciar. « Regarde-moi, je serai regardé… » Un gentilhomme florentin… fit la devise du cadran au soleil, avec ce mot : Si aspicis, aspiciar, « Si tu me regardes, je serai regardé, » pour exprimer que si son prince le regardoit de bon œil, il seroit considéré de tout le monde, » (Le P. Bouhours, VIe Entretien d’Ariste et d’Eugène, p. 413 et suivante de l’édition de 1748.)
  2. 2. L’intendant de Provence, Rouillé de Mêlai. — Mme d’Herbigny était sa sœur.