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1674

374. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Paris, lundi 22e janvier.

Je ne sais si l’espérance de vous embrasser, qui me dilate le cœur, me donne une disposition tout extraordinaire à la joie ; mais il est vrai, ma fille, que j’ai extrêmement ri de ce que vous me dites de Pellisson et de M. de Grignan[1] : Corbinelli en est ravi, et ceux qui verront cet endroit seront heureux. On ne peut pas se mieux jouer que vous faites là-dessus, ni le reprendre plus plaisamment en deux ou trois endroits de votre lettre : fiez-vous à nous, il est impossible d’écrire plus délicieusement. C’est une grande consolation pour moi que la vivacité de notre commerce, dont je ne crois pas qu’il y ait d’exemple. Vous dites trop de bien de mes lettres : je ne trouve à dire que cela dans les vôtres ; cependant je vous avoue (voyez quelle bizarrerie) que je meurs d’envie de n’en plus recevoir ; et en disant cela, je prétends élever bien haut les charmes de votre présence.

Ce que vous dites au sujet de la Grêle[2], qui parle selon ses desirs et selon ses vues, sans faire aucune attention ni sur la vérité ni sur la vraisemblance, est très-bien observé. Je pense, pour moi, qu’il n’y a rien tel que d’être insolent : ne seroit-ce point là comme il faut être ? J’ai toujours haï ce style ; mais s’il réussit, il faut changer d’avis. Je prends l’affaire de votre ami l’assassinateur[3],

  1. Lettre 374 (revue en partie sur une ancienne copie). — 1. Il y a apparence que Mme de Grignan avait répondu par une plaisanterie sur le mot de Guilleragues, rapporté à la fin de la lettre du 5 janvier précédent, et qu’elle comparait son mari à Pellisson ; tous les deux étaient laids, mais d’une laideur aimable. (Note de l’édition de 1818.)
  2. 2. L’évêque de Marseille.
  3. 3. Voyez plus haut, p. 341 et 352.