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comprend bien aisément les sentiments que j’ai pour vous : je l’en aime encore mieux. J’estime fort Barbantane[1] ; c’est un des plus braves hommes du monde, d’une valeur romanesque, dont j’ai ouï parler mille fois à Bussy : il étoit son ami ; ils ont bien ri ensemble et sont frères d’armes. Mme de Sanzei a encore la rougeole, mais sur la fin. M. de Coulanges[2] n’a point quitté la maison. Mme de Coulanges est chez Mme de Bagnols, qui est dans notre grand’maison. J’ai le cœur serré à n’en pouvoir plus, quand je suis dans cette grande chambre où j’ai tant vu ma très-chère et très-aimable enfant ; il ne me faut guère toucher sur ce sujet pour me toucher au vif. J’attends des nouvelles de votre paix[3]. Justitia et pax osculatæ sunt[4] : savez-vous le latin[5] ? Vous êtes trop plaisante. Adieu, mon cher enfant, adieu, la chère tendresse de mon cœur, vous n’êtes oubliée en aucun lieu. Votre frère est très-persuadé de votre amitié ; il vous aime de passion, à ce qu’il dit, et je le crois.

de m. de coulanges.

N’avez-vous point peur de la rougeole ? car voilà en

  1. 24. Homme de qualité de Provence, attaché à Monsieur le Prince. (Note de Perrin.) — C’est ce Barbantane, lieutenant des gendarmes d’Enghien, qui au siége de Lérida (1647), dans la fureur d’une orgie, déterra et fit danser un mort. Voyez les Mémoires de Bussy, tome I, p. 148.
  2. 25. Emmanuel de Coulanges, frère de Mme de Sanzei.
  3. 26. Dans le manuscrit : « des nouvelles de votre frère. »
  4. 27. « La justice et la paix se sont embrassées. » (Psaume LXXXIV, v. Il.)
  5. 28. C’est la question que Sganarelle fait à Géronte, avant de lui débiter « avec enthousiasme » quelques bribes du rudiment de Despautère : « Entendez-vous le latin ? » etc. Voyez la scène vi du IIe acte du Médecin malgré lui. Mme de Sévigné a déjà fait plusieurs allusions à cette comédie.