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l’action est trop noire[1] ; les criminels qui sont délivrés à Rouen ne sont point de cette qualité : c’est le seul crime qui est réservé[2] ; Beuvron[3] l’a dit à l’abbé de Grignan.

On a tantôt dépeint les dames du palais d’une manière qui m’a fait rire. Je disois, comme Montaigne : « Ven-

  1. 33. « De cet honnête homme dont l’assassinat est si noir. » (Édition de 1754.) — Voyez la lettre du 22 janvier suivant.
  2. 34. Le chapitre métropolitain de Rouen eut jusqu’à la Révolution le privilége de délivrer chaque année un condamné à mort, en l’élisant pour lever, le jour de l’Ascension, la fierte (c’est-à-dire la châsse) de saint Romain. Le chapitre pouvait choisir même parmi ceux qui étaient venus du dehors se constituer prisonniers, assurés qu’ils étaient de sortir librement de la ville, s’ils n’obtenaient leur grâce. « Cette prérogative du chapitre de Rouen, dit M. Floquet, était connue partout en France, et lorsqu’un grand coupable, digne d’intérêt à certains égards, ou protégé par des gens puissants, avait en vain sollicité la clémence royale, ses protecteurs tournaient leurs regards vers Rouen, dont l’Église exerçait chaque année un si rare et si beau privilége. » Celui-ci avait pourtant été restreint en 1597 par une déclaration d’Henri IV ; entre autres cas réservés se trouvait l’assassinat de guet-apens ; il n’est pas probable que cette dernière circonstance eût aggravé le crime du Provençal que Mme de Grignan recommandait à sa mère. Aussi M. Floquet fait-il au sujet de ce passage de notre lettre les observations suivantes : « Sans nous arrêter à ce que ces dernières lignes renferment d’inexact, nous dirons qu’on eut tort de ne point faire de démarches à Rouen en faveur de ce Provençal ; malgré l’édit de 1597, le chapitre donnait quelquefois la fierte à de grands coupables ; et, à la fête de l’Ascension qui suivit la lettre de Mme de Sévigné, le privilége fut accordé à un gentilhomme de la Beauce, qui avait tué son frère aîné. » Voyez l’intéressante Histoire du privilège de saint Romain, par M. Floquet, tome II, p. 37 et suivante.
  3. 35. Sans doute le frère aîné du chevalier de Beuvron (voyez tome II, p. 502, note 10) : François d’Harcourt, marquis de Beuvron, chevalier de l’Ordre, gouverneur du vieux palais de Rouen, lieutenant général au gouvernement de la haute Normandie, mort à soixante-dix-huit ans en avril 1705. « C’étoit, dit Saint-Simon (tome IV, p. 437), un très-honnête homme et un très-bon homme, considéré et encore plus aimé. » Son fils aîné, Henri, devint le duc (1700) et maréchal (1703) d’Harcourt.