Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 3.djvu/353

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 347 —

1674

compagnie, et n’est pas solitaire. J’étois l’autre jour auprès d’elle à dîner[1]. Un laquais lui présenta un grand verre de vin de liqueur ; elle me dit : « Madame, ce garçon ne sait pas que je suis dévote[2]. » Cela nous fit rire. Elle parle fort naturellement de ses intentions et de son changement. Elle prend garde à ce qu’elle dit du prochain ; et quand il lui échappe quelque chose, elle s’arrête tout court, et fait un cri, en détestant la mauvaise habitude. Pour moi, je la trouve plus aimable qu’elle n’étoit. On veut parier que la princesse d’Harcourt ne sera pas dévote dans un an, à cette heure qu’elle est dame du palais, et qu’elle remettra du rouge ; car ce rouge, c’est la loi et les prophètes : c’est sur ce rouge que roule tout le christianisme. Pour la duchesse d’Aumont[3], sa pente est d’ensevelir les morts[4]. On dit que sur la frontière, la duchesse de Charost lui tuoit des gens[5] avec des remèdes mal composés[6], et que l’autre les venoit promptement ensevelir. La marquise d’Uxelles est très-bonne à entendre sur tout cela, mais la Marans est plus que très-bonne sur l’air de sa dévotion[7]. J’ai rencontré Mme de

  1. 4. « J’étois auprès d’elle a ce diner. » (Éditions de 1725 et de la Haye 1726.)
  2. 5. Voyez sur Mme de Thianges, les Souvenirs de Mme de Caylus, tome LXVI, p. 401 et suivantes.
  3. 6. Voyez tome II, p. 204, note 5.
  4. 7. Tel est le texte de 1725 et de la Haye (1726). — Dans l’édition de Rouen (1726) : « Son attrait est pour ensevelir les morts ; » dans la première de Perrin (1734) : « Son inclination, c’est d’ensevelir les morts ; » dans la seconde (1754) : « Son attrait la porte à ensevelir les morts. »
  5. 8. Au lieu des mots : « lui tuoit des gens, » on lit dans les éditions de 1725 et de la Haye (1726) : « les y tuoit, etc. »
  6. 9. Mme Foucquet, mère du surintendant, avait rassemblé un grand nombre de recettes qui ont été publiées sous son nom (voyez tome I, p. 443, note 4) ; la duchesse de Charost était sa fille.
  7. 10. Ces derniers mots : « sur l’air de sa dévotion, » ne sont que dans l’édition de Rouen (1726).