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pitié ; il voudroit bien pleurer, et il se contraint : il me paroît extrêmement attaché à tous vos intérêts.

J’ai été voir Mme de la Fayette avec le Cardinal ; nous la trouvâmes mieux qu’à Paris ; nous parlâmes fort de vous. Il s’en va lundi ; il vous dira adieu comme il vous a dit bonjour ; il vous aime tendrement, et vous fera réponse sur la proposition d’être archevêque d’Aix. Nous composâmes la vie qu’il feroit, toujours déchiré entre l’envie de vous voir et la crainte d’être ridicule ; nous réglâmes les heures, et nous inventâmes des supplices pour le premier qui mettroit le nez sur l’attachement qu’il auroit pour vous. Cette conversation nous eût menés plus loin que Fleury[1]. D’Hacqueville et l’abbé de Pontcarré étoient avec nous ; j’étois insolemment avec ces trois hommes. Je m’en vais tout présentement me promener trois ou quatre heures à Livry. J’étouffe, je suis triste ; il faut que le vert naissant et les rossignols me redonnent quelque douceur dans l’esprit. On ne voit ici que des adieux, des équipages qui nous empêchent de passer dans les rues. Je reviens demain matin pour faire partir celui de mon fils ; mais il ne fera point d’embarras ; ce sont des coffres qui vont par des messagers : il a acheté ses chevaux en Allemagne. J’ai donné de l’argent à Barillon pour lui donner pendant la campagne : je suis une marâtre. Je dis hier adieu au petit dénaturé[2] ; je pensai pleurer. Cette campagne sera rude, et je ne me fie guère à lui pour se conserver. Poco duri, pur che s’inalzi[3]. Il en est revenu là : c’est sa vraie devise. Adieu, je ne vous en dirai pas davantage aujourd’hui. Je m’en vais à la Sainte-Baume ; je m’en vais dans un lieu où je penserai à

  1. 6. Voyez la note 4 de la lettre du 15 avril précédent.
  2. 7. Le chevalier de Grignan, auparavant d’Adhémar. Voyez la fin de la lettre du 13 avril précédent.
  3. 8. Voyez la note 5 de la lettre 218.