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pour vous engager à ce voyage, que pour moi j’en suis accablée. Je sais le ton que vous prenez, ma fille, je n’en ai point au-dessus du vôtre ; et surtout quand vous me demandez s’il est possible que moi, qui devrais songer plus qu’une autre à la suite de votre vie, je veuille vous embarquer dans une excessive dépense, qui peut donner un grand ébranlement au poids que vous soutenez déjà avec peine ; et tout ce qui suit. Non, mon enfant, je ne veux point vous faire tant de mal, Dieu m’en garde ! et pendant que vous êtes la raison, la sagesse et la philosophie même, je ne veux point qu’on me puisse accuser d’être une mère folle, injuste et frivole, qui dérange tout, qui ruine tout, qui vous empêche de suivre la droiture de vos sentiments, par une tendresse de femme ; mais j’avois cru que vous pouviez faire ce voyage, vous me l’aviez promis ; et quand je songe à ce que vous dépensez à Aix, et en comédiens, et en fêtes, et en repas dans le carnaval, je crois toujours qu’il vous en coûteroit moins de venir ici, où vous ne serez point obligée de rien apporter. M. de Pompone et M. de la Garde me font voir mille affaires où vous et M. de Grignan êtes nécessaires ; je joins à cela cette tutelle. Je me trouve disposée à vous recevoir ; mon cœur s’abandonne à cette espérance ; vous n’êtes point grosse, vous avez besoin de changer d’air. Je me flattois même que M. de Grignan voudroit bien vous laisser cet été avec moi, et qu’ainsi vous ne feriez pas un voyage de deux mois, comme un homme. Tous vos amis avoient la complaisance de me dire que j’avois raison de vous souhaiter avec ardeur : voilà sur quoi je marchois. Vous ne trouvez point que tout cela soit ni bon ni vrai : je cède à la nécessité et à la force de vos raisons ; je veux tâcher de m’y soumettre à votre exemple, et je prendrai cette douleur, qui n’est pas médiocre, comme une pénitence que Dieu veut que je fasse, et que j’ai bien méritée.