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sois le plus que je pouvois cette petite victoire, soyez très-persuadée, ma chère belle, que c’étoit par pure politique, et par un dessein prémédité entre nous, afin que si vous perdiez votre petite bataille[1], vous ne prissiez pas la résolution de vous pendre ; mais présentement que, par votre lettre qui me donne la vie, nous voyons votre triomphe quasi assuré, je vous avoue franchement que par tout pays c’est la plus jolie chose du monde que d’avoir emporté cette affaire, malgré toutes les précautions, les prévoyances, les prières, les menaces, les sollicitations, les corruptions et les vanteries de vos ennemis[2]. En vérité cela est délicieux, et fait voir autant que le siège d’Orange la considération[3] de M. de Grignan dans la province. M. de Pompone, d’Hacqueville, Brancas, les Grignans et plusieurs de vos amis avoient une attention particulière pour le dénouement de cette affaire, et ne la mettoient pas à si bas prix que je vous le mandois ; mais nous étions convenus de ce style, afin de vous soutenir le courage, dans le cas d’un revers de la fortune. Mlle Lavocat est dans cette affaire par-dessus les yeux, et pour

  1. Lettre 357. « Que si vous étiez battus, comme nous en avions peur. » (Édition de 1754.)
  2. 2. L’évêque de Marseille se plaint, dans une lettre à Colbert du 17 décembre 1673, que M. de Grignan se soit servi de « plusieurs moyens assez extraordinaires, » pour faire nommer un de ses parents (M. de Buous) procureur joint de la noblesse, et il reconnaît que l’évêque de Toulon et lui ont d’abord « employé leurs amis » pour empêcher cette nomination ; « mais, ajoute-t-il, dès que nous avons eu appris les intentions de S. M. par la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire, nous n’avons plus songé qu’à les suivre… Pour cet effet, nous avons nommé nous-mêmes M. de Buous, pour qui M. de Grignan sollicitoit avec tant de chaleur, et avons prié toute l’assemblée de lui donner ses suffrages, et ainsi il a été nommé d’un commun consentement. » Voyez la Correspondance administrative sous Louis XIV, publiée par Depping, tome IV, p. 407.
  3. « L’extrême considération. » (Édition de 1754.)