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me battre s’il veut, mais je le défie de faire que je veuille me battre. Qu’il se fasse casser l’épaule, qu’on lui fasse dix-huit incisions ; et puis, (on croit qu’il va dire : et puis nous nous battrons) « et puis, dit-il, nous nous accommoderons. Mais se moque-t-il de vouloir tirer sur moi ? Voilà un beau dessein, c’est comme qui voudroit tirer dans une porte cochère[1]. Je me repens bien de lui avoir sauvé la vie au passage du Rhin. Je ne veux plus faire de ces actions, sans faire tirer l’horoscope de ceux pour qui je les fais. Eussiez-vous jamais cru que c’eût été pour me percer le sein que je l’eusse remis sur la selle ? » Mais tout cela d’un ton et d’une manière si folle, qu’on ne parloit d’autre chose à Saint-Germain.

J’ai trouvé votre siége d’Orange fort étalé à la cour. Le Roi en avoit parlé agréablement, et on trouva très-beau que sans ordre du Roi, et seulement pour suivre M. de Grignan, il se soit trouvé sept cents gentilshommes à cette occasion ; car le Roi avoit dit sept cents, tout le monde dit sept cents. On ajoute qu’il y avoit deux cents litières, et de rire ; mais on croit sérieusement qu’il y a peu de gouverneurs qui pussent avoir une pareille suite.

J’ai causé deux heures[2] en deux fois avec M. de Pompone ; j’en suis contente au delà de ce que j’espérois. Mlle Lavocat est dans notre confidence ; elle est très-aimable ; elle sait notre syndicat, notre procureur, notre gratification, notre opposition, notre délibération, comme elle sait la carte et les intérêts des princes, c’est-à-dire sur le bout du doigt. On l’appelle le petit ministre ; elle est dans tous nos intérêts. Il y a des entr’actes à nos conversations, que M. de Pompone appelle des traits de rhétorique pour capter la bienveillance des auditeurs.

  1. 7. Nous avons déjà dit que Vivonne étoit excessivement gros. (Note de Perrin.)
  2. 8. « Trois heures. » (Édition de 1734.)