Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 3.djvu/292

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 286 —

1673


plus de troupes. Cependant cela est fait. Pendant que le mari fait cette marionnette de guerre[1] au dehors, la femme est aux prises avec Monsieur de Marseille. Ils se tiraillent les consuls, à qui en aura le plus ; et ce qui vous paroitra bien juste, c’est que l’Évêque se tient offensé, que par le chemin[2] tout commun des sollicitations on ose mettre son crédit en balance ; de sorte que si M. de Grignan emporte ce syndicat pour son cousin le marquis de Buous[3], l’Évêque est en furie, et s’opposera à tout ce qui regarde M. de Grignan dans l’assemblée. Il faut donc, pour le contenter, qu’il ait partout de l’avantage, que partout M. de Grignan soit mortifié : voilà à quelles conditions on peut avoir la paix avec lui. Que dites-vous de cette justice ? Ma fille la comprend peu : c’est pourquoi elle se défend vigoureusement ; et toute cette belle fierté qu’on a louée ici[4], succomberoit présentement devant celui qui l’assureroit du suffrage d’un consul. Voilà ce que fait la province. Il y a cinq ans qu’il eût fallu autre chose pour la tenter : altri tempi, altre cure[5].

Je vois tous les jours des gens qui n’ont point l’air d’être vos ennemis. J’en vois un, quelquefois, que vous m’avez tellement noirci, malgré sa blonde perruque, que je ne puis plus le regarder. Il y en a un gros, qui me paroît le patron des lieux où il règne.

Je garde dans mon cœur toutes nos conversations avec une reconnoissance pour vous qui n’est pas imaginable, et qui m’attache à tous vos intérêts ; mais ne trouvant

  1. 9. Voyez, vers le commencement de la lettre du 10 juillet 1675, un nouvel emploi de cette expression.
  2. 10. Et non sur ce chemin, correction inutile, ou plutôt méprise du premier éditeur, que tous depuis ont copiée.
  3. 11. Voyez la Notice, p. 129.
  4. 12. Et non jusqu’ici, correction qui dénature le sens.
  5. 13. Autres temps, autres soins.