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à la même place où je les avois laissés. Il y a eu ici de plus honnêtes gens que moi ; et cependant, au sortir de Grignan, après vous avoir quittée, je me meurs de tristesse. Je pleurerois de tout mon cœur présentement, si je m’en voulois croire ; mais je me détourne, suivant vos conseils. Je vous ai vue ici ; Bussy y étoit[1], qui nous empêchoit fort de nous y ennuyer. Voilà où vous m’appelâtes marâtre d’un si bon ton. Dubut[2] est ici qui a élagué des arbres devant cette porte, qui font en vérité une allée superbe. Tout crève ici de blé, et de Caron pas un mot[3], c’est-à-dire pas un sol. Je suis désaccoutumée de ces continuels orages : il pleut sans cesse ; j’en suis en colère. M. de Guitaut est à Époisse : il envoie tous les jours ici pour savoir quand j’arriverai, et pour m’emmener chez lui ; mais ce n’est pas ainsi qu’on fait ses affaires. J’irai pourtant le voir : vous pouvez bien penser que nous parlerons bien de vous : je vous prie d’avoir l’esprit en repos sur tout ce que je dirai ; je ne suis pas assurément fort imprudente. Nous vous écrirons, lui et moi. Je ne puis m’accoutumer à ne vous voir plus, et si vous m’aimez, vous m’en donnerez une marque cette année.

Adieu, mon enfant ; j’arrive, je suis un peu fatiguée ; quand j’aurai les pieds chauds, je vous en dirai davantage.



    en Auxois, et se jette dans l’Yonne à trois lieues au-dessus d’Auxerre. Il forme près du château une jolie cascade (appelée le Peucrot dans le pays), et plus bas, sur la rive droite comme le château, il y a aujourd’hui encore un grand moulin. — Les mots suivants : « et mon beau moulin, » manquent dans l’édition de la Haye (1726), et dans la première édition de Perrin ; ils ne se trouvent que dans celle de 1754.

  1. 3. En 1664 : voyez tome I, p. 487, et Walckenaer, tome V, p. 9 et 10. Plus anciennement encore Mme de Sévigné y était venue avec son mari : voyez la lettre de Bussy du 19 octobre 1675.
  2. 4. Ce nom revient dans la lettre du 20 novembre 1675
  3. 5. Voyez tome II, p. 349, note 7.