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méprisé. Je trouve que le prix de la plupart des choses dépend de l’état où nous sommes quand nous les recevons. J’embrasse tendrement M. de Grignan ; il doit être bien persuadé de mon amitié, de lui avoir donné et laissé ma fille : tout ce que je lui demande, c’est de conserver votre cœur et le mien ; il en sait les moyens. Songez que je recevrai comme une grâce s’il m’oblige à l’aimer toujours. Le hasard me fit hier parler de lui, et de ses manières nobles et polies, et de ses grandeurs. Je voudrois bien qu’il eût été derrière moi, et vous aussi : vous le croyez bien, ma chère Comtesse.


1673

336. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

Bourbilly[1], lundi 16e octobre.

Enfin, ma bonne, j’arrive présentement dans le vieux château de mes pères. Voici où ils ont triomphé suivant la mode-de ce temps-là. Je trouve mes belles prairies, ma petite rivière, mes magnifiques bois et mon beau moulin[2],

  1. Lettre 336. — 1. Bourbilly, à deux lieues environ d’Époisse et de Semur en Auxois (voyez la note 5 de la lettre 338), est un hameau annexé à la petite paroisse de Vic-de-Chassenay. L’endroit même est sur une hauteur. Le château en est assez loin, au bas de coteaux boisés, dans le vallon du Serain et presque au bord de l’eau ; ce n’est plus qu’une grosse ferme entourée de bonnes terres et de beaux prés ; les tours ont été démolies, et les escaliers qu’elles renfermaient remplacés dans l’intérieur du bâtiment par des montées de bois ; quelques chambres ont conservé leurs anciennes cheminées, et la chapelle qui sert d’écurie une très-belle fenêtre ogivale. Bourbilly relevait du vaste marquisat d’Époisse ; sur l’origine de cette servitude, voyez la lettre au comte de Guitaut du 26 janvier 1683.
  2. 2. Ma petite rivière, le Serain, qui traverse le bailliage de Semur