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envoyer ce Pain bénit et cet Enterrement de Marigny[1], dont je vous ai tant parlé. L’Enterrement me ravit toujours ; le Pain bénit est sujet à trop de commentaires. Si vous avez l’esprit libre quand vous recevrez ce petit ouvrage, et qu’on vous le lise d’un bon ton, vous l’aimerez fort ; mais si vous n’êtes pas bien disposée, voilà qui est jeté et

  1. 5. Ce chansonnier de la Fronde « presque aussi spirituel et plus méchant que Sarasin. » (M. Cousin, Madame de Longueville, tome II, p. 299.) Il s’appelait Jacques Carpentier, et prit d’une seigneurie de son père, au reste « d’assez médiocre famille de Nevers, » le nom de Marigny. « Connoissant la princesse Marie, il s’en alla à Mantoue, où il ne trouva rien à faire ; de là il passa à Rome, où je l’ai vu misérable. De retour ici, il trouva moyen d’être secrétaire de M. Servien, qui s’en alloit à Munster ; mais il le quitta en Hollande, à cause de quelque démêlé, et s’en alla en Suède. Il est bien fait, il parle facilement, sait fort bien l’espagnol et l’italien, fait des vers passablement, et n’ignore pas un des bons contes qui se font en toutes ces trois langues : pour du jugement il n’en a point ; mais la reine à qui il avoit à faire (Christine) a bien fait voir qu’on n’avoit pas besoin de jugement pour réussir auprès d’elle. » (Tallemant des Réaux, tome V, p. 438, 439 : voyez la note de M. P. Paris, p. 447, 448.) Forcé de quitter la Suède en 1646, il se donna au Coadjuteur dès le commencement de la Fronde, et paraît à cette époque avoir été fort lié avec le marquis et la marquise de Sévigné. (Mémoires de Retz, tome I, p. 224 ; Journal d’Olivier le Fèvre d’Ormesson, p. 603, et le Supplément, p. 750). Il fut quelque temps à Bordeaux au service du prince de Conti ; s’y étant brouillé avec Sarasin et la duchesse de Longueville, il vint rejoindre à Paris le prince de Condé, dont il resta l’agent même après la rentrée du Roi ; mais bientôt poursuivi, il dut s’enfuir à Bruxelles. Quand il put rentrer en France « il se retira auprès de M. le cardinal de Retz. Son occupation étoit de le divertir… Il avoit embrassé l’état ecclésiastique.  » (Moréri. Voyez aussi un passage des Mémoires de Retz, tome IV, p. 71, 72.) Il vivait encore en mars 1672 : voyez la Correspondance de Bussy, tome II, p. 75 et 78, lettres du 4 et du 18 mars 1672. — Le petit poëme du Pain bénit, qui a un second titre, les Marguilliers, parut en 1673 ; c’est une satire dirigée contre les marguilliers de la paroisse Saint-Paul, qui voulaient obliger Marigny à rendre le pain bénit. Le poëme contient, vers la fin, une critique très-violente de la manière dont se faisaient alors les enterrements.