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pensées ; enfin je serai morte quand je ne penserai plus à vous.[1]

Nous avons vu des tableaux admirables à Lyon. Je blâme M. de Grignan de n’avoir pas accepté celui que l’archevêque de Vienne[2] lui voulut donner : il ne lui sert de rien, et c’est le plus joli tableau et le plus décevant qu’on puisse voir. Pour moi, je ne manquai point tout bonnement de vouloir remettre la toile que je croyois déclouée. À propos, cet archevêque est beau-frère de Mme de Villars ; il m’attendoit, et me fit des visites et des civilités infinies.

Adieu, ma très-chère ; vous me mandez les choses du monde les plus tendres : cela perce le cœur, et l’on en est ravi. Vous me parlez de votre amitié ; je crois qu’elle est très-forte, et je vous aime sur ce pied-là, et je ne crois pas me tromper ; mais gardez-vous bien, dans les moments où vous la sentez le plus, de penser ni de dire jamais qu’elle puisse égaler celle que j’ai pour vous.


1673

335. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Châlon, vendredi soir, 13e octobre.

Quel ennui de ne plus espérer de vos nouvelles ! cette circonstance augmente ma tristesse. Ma fille, je ne vous dirai point toutes mes misères sur ce chapitre : tout au

  1. 4. « Je serai morte quand je ne serai plus occupée de ce qui vous regarde. » (Édition de 1754.)
  2. 5. Henri de Villars, frère puîné du marquis Pierre de Villars, avait été nommé en 1652 coadjuteur de son oncle, l’archevêque de Vienne, auquel il succéda en 1662 ; il était le cinquième de sa famille sur ce siége ; il mourut en 1693, à soixante-douze ans.