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Roi dans mon cœur, sans me mettre en peine de le lui faire connoître. Je ne trouve pas que ce soit un si grand malheur pour moi qu’on le croit, que je ne sois pas maréchal de France, pourvu qu’on sache que je le mérite, et je ne pense pas que personne me doive traiter sur le pied de ne l’être pas, mais sur celui que je le devrois être, car il n’appartient qu’au Roi de me faire une injustice. Ainsi, Madame, voyez les conquêtes du Roi sans me plaindre, puisque aussi bien cela ne sert de rien, et m’aimez toujours puisque je vous aime de tout mon cœur.

Je songe à Mme de Grignan plus que vous ne pensez ; mais je suis discret, et je ne dis pas toujours, sur le chapitre d’une aussi belle dame qu’elle, tout ce que je pense.

à corbinelli.

Je crois, Monsieur[1], que votre dévotion ne feroit point de changement à votre mauvaise fortune, et qu’elle ne vous serviroit qu’à vous la faire prendre en gré ; mais la philosophie peut faire la même chose : ainsi la dévotion ne vous peut servir que pour l’autre monde, et j’en suis persuadé, non pas encore assez pour la prendre fort à cœur, mais assez pour ne faire à autrui que ce que je voudrois qui me fût fait. Il y a mille petits collets qui ne sont pas si justes.

Pour vous répondre maintenant à ce que vous me demandez, si je ne suis pas fâché de n’être point à Maestricht, je vous dirai qu’il y a si longtemps que j’ai été bien

  1. 5. Dans le manuscrit de l’Institut : « Je crois comme vous, Monsieur. » — Plus loin, ligne 4 : « La dévotion ne peut servir ; » ligne 13 : « où je devrois être ; » ligne 17 : « quand je serois un bourgmestre d’Amsterdam ; » ligne 20 : « de le trouver un prince incomparable. Je ne pourrois pas l’estimer davantage s’il m’avoit fait du bien. Adieu. » La lettre finit à ces mots.