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soir même qu’il partit. Souper en compagnie, quand son amant part, et qu’il part pour l’armée, me paroît un crime capital ; je ne sais pas si je m’y connois. Adieu, ma belle.


1673

321. — DE MADAME DE LA FAYETTE À MADAME DE SÉVIGNÉ.

À Paris, le 26e mai.

Si je n’avois la migraine, je vous rendrois compte de mon voyage de Chantilly, et je vous dirois que de tous les lieux que le soleil éclaire, il n’y en a point un pareil à celui-là. Nous n’y avons pas eu un trop beau temps ; mais la beauté de la chasse dans des carrosses vitrés[1] a suppléé à ce qui nous manquoit. Nous y avons été cinq ou six jours ; nous vous y avons extrêmement souhaitée, non seulement par amitié, mais parce que vous êtes plus digne que personne du monde d’admirer ces beautés-là.

J’ai trouvé ici à mon retour deux de vos lettres. Je ne pus faire achever celle-ci vendredi, et je ne puis l’achever moi-même aujourd’hui, dont je suis bien fâchée ; car il me semble qu’il y a longtemps que je n’ai causé avec vous. Pour répondre à vos questions, je vous dirai que Mme de Brissac[2] est toujours à l’hôtel de Conti[3], envi-

  1. Lettre 321. — 1. Les carrosses sous Henri IV, et même sous Louis XIII, n’étaient fermés que par des rideaux et des mantelets. L’usage des glaces aux portières vint d’Italie ; Bassompierre l’apporta en France. Voyez Bullet, Dissertations, Paris, Moutard, 1771, in-12, p. 336 et 337.
  2. 2. Gabrielle-Louise de Saint-Simon, duchesse de Brissac. Voyez tome II, p. 23, note 9, et la lettre (de Mme de Villars) du 25 août 1673. — Au sujet de sa désolation depuis la mort du duc de Longueville (il en est parlé un peu plus bas), on peut voir une curieuse anecdote dans les Mémoires de l’abbé Arnauld, tome XXXIV, p. 344-346.
  3. 3. L’ancien hôtel de Nevers, acheté en 1670 par le prince de