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moi, qui prétendois bien à cette belle Madeleine si bien frisée naturellement.

M. de Morangis[1] est mort ; voilà les Barillons bien affligés et bien riches : cela fait taire les sentiments de la nature. L’aîné a demandé la place du conseil pour lui et sa charge pour son frère ; écrivez-moi des compliments pour eux.

Je ne vous dirai plus rien de Monsieur de Marseille ; je prends Monsieur d’Uzès pour témoin de tous mes sentiments, ni si je me suis séparée un seul moment de vos intérêts, ni s’il m’a imposé en la moindre chose, ni si ses manières et sa duplicité ne m’ont point toujours paru au travers de ses discours, ni si j’ai manqué de réponse aux endroits principaux, ni si tous mes amis n’ont point fait leur devoir, ni si je doute de la sincérité de votre conduite et de la ganelonnerie[2] de la sienne. Enfin j’ai déposé mon cœur à Monsieur d’Uzès et ne me suis démentie en rien. J’ai de bons témoins, et un certain ministre ne m’a pas trouvée corrompue contre vos intérêts. L’Évêque lui-même est assez embarrassé de moi, car vous savez qu’il aime à ménager la chèvre et les choux. Il a mal ménagé la chèvre, et ne mangera pas même les choux. Voilà tout ce que je vous en dirai, vous en croirez après cela tout ce que vous voudrez. Monsieur d’Uzès vous dira le reste, et je me reposerai sur ma conscience et sur mon cœur qui ne peut jamais me laisser faillir sur ce qui vous regarde. Cependant nous voyons un

  1. 23. Antoine de Barillon de Morangis, conseiller d’État, était mort à Paris, le 4 avril, à l’âge de soixante-treize ans. Voyez tome II, p. 119, note 23, et la note de la lettre du 26 mai 1673.
  2. 24. Terme dérivé du nom de Ganelon, traître fameux dans nos anciens romans, qui fut cause de la défaite des Français à Roncevaux. Ce mot est étrangement défiguré dans le manuscrit : le copiste en a fait : galonetonnerie.