1672
temps infinis avant que j’en puisse recevoir. Hélas ! voici un adieu, ma délicieuse amie : je m’en vais faire cent lieues pour m’éloigner de vous ! Quelle extravagance ! Depuis que le jour est pris pour m’en aller à Paris, je suis enragée de penser à tout ce que je quitte. Je laisse ma famille, une pauvre famille désolée ; et cependant je pars le jour même de la Toussaint pour Bagnols[1], de Bagnols à Roanne, et puis vogue la galère !
N’êtes-vous pas ravie du présent que le Roi a fait à M. de Marsillac[2] ? N’êtes-vous pas charmée de la lettre que le Roi lui a écrite ? Je suis au vingtième livre de l’Arioste : j’en suis ravie. Je vous dirai, sans prétendre abuser de votre crédulité, que si j’étois reçue dans votre troupe à Grignan, je me passerois bien mieux de Paris, que je ne me passerai de vous à Paris. Mais, adieu, ma vraie amie, je garde le Charmant pour la belle Comtesse.
Écoutez, Madame, le procédé du Charmant : il y a un
- ↑ 2. Bagnols est un petit village, à trois lieues au sud de Villefranche, à deux lieues ouest d’Anse (voyez la note 1 de la lettre du 11 octobre 1673). « Il est situé à la droite de la route (de Villefranche à Tarare), sur un plateau d’où l’on découvre au loin de riches campagnes couvertes de vignes et de prairies. Le château… reconstruit par le maréchal de Saint-André, et visité par Mme de Sévigné en 1673(?), est assez bien conservé et possède plusieurs tableaux remarquables. » (M. Joanne, Itinéraire général de la France, I, 1re partie, p. 268.) Ce château appartenait sans doute alors au père de Mme de Coulanges.
- ↑ 3. De la charge de grand maître de la garde-robe. (Note de l’édition de 1751.) — « Il (le Roi) écrivit à M. de la Rochefoucauld (au prince de Marsillac), après l’avoir fait grand maître de la garde-robe : « Je me réjouis comme votre ami du présent que je vous ai fait comme votre maître. » (Mémoires de l’abbé de Choisy, tome LXIII, p. 160.) Saint-Simon, tome VII, p. 190, rapporte le billet au don qui fut fait plus tard à Marsillac de la charge de grand veneur ; mais il paraît bien par la lettre de Mme de Coulanges qu’il se trompe.