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Votre lettre du 3e est un peu séchette, mais je ne m’en soucie guère. Vous me dites que je vous demande pourquoi vous avez ôté la Porte[1] ? Si je l’ai fait, j’ai tort, car je le savois fort bien ; mais j’ai cru vous avoir demandé pourquoi vous ne m’en aviez point avertie, car je fus tout étonnée de le voir. Je suis fort aise que vous ne l’ayez plus, vous savez ce que je vous en avois mandé.

M. de Coulanges vous parlera de votre lit d’ange[2] ; pour moi, je veux vous louer de n’être point grosse, et vous conjurer de ne la point devenir. Si ce malheur vous arrivoit dans l’état où vous êtes de votre maladie, vous seriez maigre et laide pour jamais. Donnez-moi le plaisir de vous retrouver aussi bien que je vous ai donnée, et de pouvoir un peu trotter avec moi, où la fantaisie nous prendra d’aller. M. de Grignan vous doit donner, et à moi, cette marque de sa complaisance. Ne croyez donc pas que vos belles actions ne soient pas remarquées : les beaux procédés méritent toujours des louanges ; continuez, voilà tout.

Vous me parlez de votre dauphin : je vous plains de l’aimer si tendrement, vous aurez beaucoup de douleurs et de chagrins à essuyer. Je n’aime que trop la petite de Grignan. Contre toutes mes résolutions je l’ai donc ôtée de Livry ; elle est cent fois mieux ici. Elle a commencé à me faire trouver que j’avois bien fait : elle a eu depuis son retour une très-jolie petite vérole volante, dont elle n’a point été du tout malade : ce que le petit Pecquet a traité en deux visites auroit fait un grand embarras, si elle avoit été à Livry. Vous me demanderez si je l’ai toujours vue : je vous dirai qu’oui ; je ne l’ai point abandon-

  1. 3. Voyez la fin des lettres 269, p. 42, et 291, p. 129.
  2. 4. On appelait lit d’ange ou à la duchesse, un lit qui était sans quenouilles ou piliers, et dont on retroussait les rideaux.