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Je vous prie, ma bonne, quoi qu’on dise, de faire de l’huile de scorpion[1], afin que nous trouvions en même temps les maux et les médecines. Pour vos cousins, j’en parlois l’autre jour à un Provençal, qui m’assura que ce n’étoient pas les plus importuns[2] que vous eussiez à Grignan, et qu’il y en avoit d’une autre espèce, qui sans vous blesser en trahison, vous faisoient bien plus de mal. Je comprends assez que vous avez présentement un peu de l’air de Mme de Sotenville[3] ; mais bientôt vous aurez à recevoir une compagnie qui vous fera mettre en œuvre le colombier et la garenne, et même la basse-cour. Hélas ! c’est bien pour dire des fadaises[4] que je dis tout cela ; car si vous en mettez un pigeon davantage, nous ne le souffrirons pas : c’est le moyen de faire mourir notre abbé que de le tenter de mangeaille ; votre ordinaire n’est que trop bon. La Mousse[5] a été un peu ébranlé des puces, des punaises, des scorpions, des chemins, et du bruit qu’il trouvera peut-être : tout cela étoit un monstre[6] dont je me suis bien moquée ; et puis dire : « Quelle figure ! hélas ! je ne suis rien ; il y aura tant de monde ; nous, nous ne parlerons point. » Ce sont là des humilités glorieuses.

  1. 10. Les scorpions sont assez communs en Provence, surtout dans les lieux bas et humides ; et l’huile de scorpion est souveraine, à ce qu’on dit, contre la piqûre de ces insectes. (Note de Perrin.) — Voyez la note 3 de la lettre 210.
  2. 11. Dans l’édition de la Haye (1726) : « Les seuls animaux dangereux. »
  3. 12. Du George Dandin de Molière.
  4. 13. Dans l’édition de la Haye (1726) : « Des sottises. »
  5. 14. Il devait, comme nous l’avons déjà vu, faire le voyage de Grignan avec Mme de Sévigné et l’abbé de Coulanges.
  6. 15. C’est le texte de 1734. Dans l’édition de la Haye : « Tout cela étoit une façon ; » dans celle de 1754 : « Tout cela lui faisoit un monstre. »