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mais quand elle peut dire un mot sans être entendue, on voit ce qu’elle pense, et c’est la mort qu’elle envisage à loisir, avec beaucoup de vertu et de fermeté.

Elle est par le visage, comme les enfants en chartre[1], et par le ventre comme une femme grosse de neuf mois ; elle se lève encore, parce qu’elle étouffe au lit. Pour ma cousine, nous ne voyons rien à sa destinée ; nous croyons nous donner à des vues que nous n’avons pas présentement. Nous entrevoyons un couvent à bon marché, une augmentation de pension que son frère[2] voudra peut-être bien donner, enfin nous sommes fort embarrassés.

Pour M. de la Mousse, je l’ai fort prévenu de l’envie que vous avez de le voir. Il ne craint que les incommodités du voyage. Écrivez-lui, comme vous en avez le dessein, et de notre côté nous serons fort aises d’ajouter cette compagnie à la nôtre, et nous lui donnerons du courage par la joie qu’il vous donnera. Je vous assure que je souhaite plus d’être dans ce cabinet frais que vous me faites bâtir que dans tous les lieux du monde, mais ensuite je souhaiterois fort de vous voir dans un appartement que je vais vous faire faire. J’attends les tubéreuses ; c’est un présent délicieux ; mon oncle de Sévigné nous en donnera.

M. de Grignan demande un très-beau justaucorps ; c’est une affaire de sept ou huit cents francs ; qu’est devenu un très-beau qu’il avoit ? Souffrez, ma fille, que je vous avertisse que l’on ne donne guère de ces sortes de guenilles et que les morceaux en sont bons. Au nom de

  1. 4. « Venir à tomber en chartre, c’est se alangourir, flaistrir, seicher, emmaigrir jusques aux os. » (Dictionnaire de Nicot.) — Dans le manuscrit il y a en châtre : c’était sans doute ainsi qu’on prononçait.
  2. 5. Le marquis de la Trousse. Voyez tome I, p. 411, note 6.