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qu’une partie de vos douceurs, qui est le remerciement que vous me faites de vous avoir donné une femme qui fait tout l’agrément de votre vie. Pour celui-là, je crois que j’y ai un peu contribué. Pour votre autorité dans la province, vous l’avez par vous-même, par votre mérite, votre naissance, votre conduite : tout cela ne vient pas de moi. Ah ! que vous perdez que je n’aie pas le cœur content ! Le Camus m’a prise en amitié ; il dit que je chante bien ses airs : il en a fait de divins ; mais je suis triste, et je n’apprends rien ; vous les chanteriez comme un ange ; le Camus estime fort votre voix et votre science. J’ai regret à ces sortes de petits agréments que nous négligeons ; pourquoi les perdre ? Je dis toujours qu’il ne faut point s’en défaire, et que ce n’est pas trop de tout. Mais que faire quand on a un nœud à la gorge[1] ? Vous avez fait faire à ma fille le plus beau voyage du monde : elle en est ravie ; mais vous l’avez bien menée par monts et par vaux, et bien exposée sur vos Alpes, et aux flots de votre Méditerranée. J’ai quasi envie de vous gronder, après vous avoir embrassé tendrement.

Vendredi 3e juin.

Me voici à Paris, où je trouve que ces deux Messieurs[2] ne sont pas si morts qu’ils l’étoient hier. La maréchale[3] de Villeroi est à l’extrémité. Je ne sais rien de l’armée. Adieu.

  1. 18. Il n’est pas probable qu’il y ait là une transposition, comme le suppose Walckenaer (tome IV, p. 342 et 130), et que ce morceau, depuis : « Ah ! que vous perdez, etc., » s’adresse à Mme de Grignan, et non au Comte. C’est plus ordinairement à son gendre que Mme de Sévigné envoie des motets, des airs nouveaux ; c’est à lui (à la fin de la lettre du 16 mai) qu’elle a déjà dit qu’il chantait comme un ange.
  2. 19. Des Marests et Bouligneux.
  3. 20. Madeleine de Créquy, petite-fille du connétable de Lesdi-