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1671

138. — DU COMTE DE BUSSY RABUTIN À MADAME DE SÉVIGNÉ.

À Chaseu, ce 23e février 1671.

Si votre lettre du mois de janvier me donna du chagrin contre vous, ma chère cousine, celle que je viens de recevoir m’a donné bien de l’estime et de l’amitié pour vous. Je n’ai jamais vu un retour si sincère et si honnête que le vôtre, ni qui marquât un cœur si bien fait. Je ne doute pas après cela que vous n’ayez plus d’égards pour moi que vous n’en avez eu, et vous savez bien que depuis ma faute contre vous et votre amnistie on ne peut être plus net que je l’ai été.

Au reste, ma chère cousine, ne craignez pas que mes lettres soient moins vives, quand vous ne serez pas aigre. Je ne laisse pas d’être assez animé avec ceux dont je suis content ; mais si enfin vous me trouviez un peu fade, nous trouverons assez de gens qui méritent des coups de patte, sans nous en donner l’un à l’autre.

L’approbation que vous donnez à l’histoire de notre maison[1], m’oblige de vous faire confidence de quelque chose plus important à quoi je m’amuse ; mais je vous demande le secret.

Pendant que j’étois dans la Bastille, je me mis dans la tête d’écrire mes campagnes. Il y a trois ans que je trouvai ce travail assez beau pour me convier de l’étendre davantage, et faire ce qu’on appelle des mémoires.

Le Roi sait ceci et, que je retourne à la cour ou non, le verra infailliblement. Peut-être que les actions de guerre qui sont diversifiées d’autres événements, et tout

  1. LETTRE 138. — 1. Mme de Coligny a ajouté quelques mots entre les lignes : « …(à l’histoire de notre maison) mon ouvrage, et l’éloge que vous faites de ma lettre dédicatoire, (m’obligent) … » Voyez la note 6 de la lettre 123.