1672
pays-ci, parce qu’on y fait de furieux voyages. Vous jouez d’un malheur insurmontable, vous perdez toujours. Voilà bien de l’argent qui vous épuise ; je ne puis croire que vous en ayez assez pour ne vous point sentir de ces pertes continuelles. Croyez-moi, ne vous opiniâtrez point ; je suis plus sensible que vous à ce continuel guignon. Souvenezvous que vous avez perdu tout cet argent sans vous divertir : au contraire, vous avez donné cinq ou six mille francs pour vous ennuyer et pour être houspillée de la fortune. Ma bonne, je m’emporte ; il faut dire comme Tartuffe : « C’est un excès de zèle[1]. »
À propos de comédie, voilà Bajazet. Si je pouvois vous envoyer la Champmeslé, vous trouveriez cette comédie belle ; mais sans elle, elle perd la moitié de ses attraits. Je suis folle de Corneille ; il nous redonnera encore Pulchérie, où l’on verra encore
Il faut que tout cède à son génie.
Voilà une petite fable de la Fontaine, qu’il a faite sur l’aventure du curé de M. de Boufflers, qui fut tué tout roide en carrosse auprès de lui[3] : cette aventure est bi-
- ↑ 24. Ouf ! vous me serrez trop. — C’est par excès de zèle.(Tartuffe, acte III, scène iii.)
- ↑ 25. Corneille avait dit dans ses vers à Foucquet, imprimés en tête de son Œdipe (1659) :
Et je me trouve encor la main qui crayonnaL’âme du grand Pompée et l’esprit de Cinna.
— Sur Pulchérie, voyez la lettre du 15 janvier précédent, p. 470, et celle (de Mme de Coulanges) du 24 février 1673.
- ↑ 26. Voyez la fable xi du livre VII, dont il a été parlé p. 514. — Boufflers était mort le 14 février ; le curé avait été tué quelques jours après ; le 26, Mme de Sévigné racontait l’événement, et le 9 mars la fable de la Fontaine circulait, en manuscrit sans aucun doute. Le recueil où elle est contenue ne fut publié qu’en 1678.