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1672

243. — DU COMTE DE BUSSY RABUTIN À MADAME DE SÉVIGNÉ.

Le lendemain du jour que j’eus reçu cette lettre (du 24 janvier), j’y fis cette réponse.

À Chaseu, ce 28e janvier 1672.

Savez-vous bien, Madame, ce qui fait que vous m’écrivez de Sainte-Marie, où vous ne m’avez jamais vu, plutôt que de mille autres lieux où vous m’avez vu mille fois ? C’est que ma fille vous y fait ressouvenir de moi, et qu’étant bientôt lasse des matières qu’on traite en ces lieux-là, vous usez une partie du temps de votre visite à faire une lettre à son père. Ainsi, Madame, ce que j’en puis juger, c’est que vous aimez mieux parler au monde qu’à moi ; mais que vous aimez mieux me parler qu’à Dieu. Vous en conviendrez, si vous êtes sincère.

Quand j’ai lu l’endroit où vous me mandez que ma fille n’est non plus sotte que si elle me voyoit tous les jours, et qu’elle est aussi sage que si elle ne partoit pas des Saintes-Maries[1], je croyois qu’il y eût « aussi sage que si elle ne m’avoit jamais vu. » Car effectivement une demoiselle peut devenir agréable à me pratiquer ; mais il est difficile qu’elle devienne par là bonne religieuse. Ma fille de Sainte-Marie en est une (à ce que j’ai appris par d’autres que par vous) ; et le témoignage que vous me donnez des agréments de son esprit est ce qu’on appelle l’approbation des docteurs.

Ses sœurs ont aussi leur mérite, et si ma disgrâce leur a fait perdre des avantages du côté de la fortune, elle leur en a donné du côté de la bonne nourriture et de l’esprit.

Vous me deviez écrire de Bretagne : nous y avons perdu

  1. Lettre 243. — 1. Il y a le pluriel dans le manuscrit autographe de Bussy.