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trouve que Mademoiselle d’Adhémar est la consolation de ma vieillesse : je voudrois aussi que vous vissiez comme elle m’aime, comme elle m’appelle, comme elle m’embrasse. Elle n’est point belle, mais elle est aimable ; elle a un son de voix charmant ; elle est blanche, elle est nette : enfin je l’aime. Vous me paroissez folle de votre fils : j’en suis fort aise. On ne sauroit avoir trop de fantaisies, musquées ou point musquées, il n’importe.

Il y a demain un bal chez Madame. J’ai vu chez Mademoiselle l’agitation des pierreries : cela m’a fait souvenir de nos tribulations passées, et plût à Dieu y être encore ! Pouvois-je être malheureuse avec vous ? Toute ma vie est pleine de repentirs. Monsieur Nicole, ayez pitié de moi, et me faites bien envisager les ordres de la Providence. Adieu, ma chère fille, je n’oserois dire que je vous adore, mais je ne puis concevoir qu’il y ait un degré d’amitié au delà de la mienne. Vous m’adoucissez et m’augmentez mes ennuis, par les aimables et douces assurances de la vôtre.


1672

240. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Paris, vendredi 22e janvier, à dix heures du soir.

Enfin, ma fille, c’est tout ce que je puis faire que de quitter le petit coucher de Mademoiselle d’Adhémar pour vous écrire. Si vous ne voulez pas être jalouse, je ne sais que vous dire : c’est la plus aimable enfant que j’aie jamais vue : elle est vive, elle est gaie, elle a de petits desseins et de petites façons qui plaisent tout à fait.

J’ai été aujourd’hui chez Mademoiselle, qui m’a envoyé dire d’y aller. Monsieur y est venu, il m’a parlé de vous :