1672
fonds dans son cabinet, et lui a dit : « Monsieur le maréchal, je veux savoir pourquoi vous me voulez quitter.
Est-ce dévotion ? est-ce envie de vous retirer ? est-ce l’accablement de vos dettes ? Si c’est le dernier, j’y veux donner ordre, et entrer dans le détail de vos affaires. » Le maréchal fut sensiblement touché de cette bonté. « Sire, dit-il, ce sont mes dettes : je suis abîmé ; je ne puis voir souffrir quelques-uns de mes amis qui m’ont assisté, à qui je ne puis satisfaire. — Eh bien, dit le Roi, il faut assurer leur dette. Je vous donne cent mille francs de votre maison de Versailles, et un brevet de retenue de quatre cent mille francs[1], qui servira d’assurance, si vous veniez à mourir. Vous payerez les arrérages avec les cent mille francs ; cela étant, vous demeurerez à mon service. » En vérité, il faudroit avoir le cœur bien dur pour ne pas obéir à un maître qui entre dans les intérêts d’un de ses domestiques avec tant de bonté : aussi le maréchal ne résista pas ; et le voilà remis à sa place et surchargé d’obligations. Tout ce détail est vrai.
Il y a tous les soirs des bals, des comédies et des mascarades à Saint-Germain. Le Roi a une application à divertir Madame, qu’il n’a jamais eue pour l’autre. Racine a fait une comédie qui s’appelle Bajazet[2], et qui enlève la paille[3] ; vraiment elle ne va pas en empirando comme les autres. M. de Tallard[4] dit qu’elle est autant au-dessus de celles de Corneille, que celles de Corneille sont au-dessus
- ↑ 4. Sur la charge qu’il voulait vendre de premier maître de l’hôtel. Voyez la note 4 de la lettre 202, et la lettre 234 vers la fin.
- ↑ 5. Bajazet fut représenté pour la première fois, sur le théâtre de l’hôtel de Bourgogne, le 4 ou le 5 janvier 1672.
- ↑ 6. C’est le texte des premières éditions (1725 et 1726). Dans celle de 1734 il y a : « qui relève la paille ; » dans l’édition de 1754 : « qui lève la paille. »
- ↑ 7. Camille d’Hostun, comte de Tallard, qui fut depuis maréchal de France (1703) et ministre d’État (1726). Il mourut en 1728. Il était